Jade, une Histoire de résilience à lire et à écouter
Quand on parle d’une personne résiliente, on a souvent tendance à imaginer quelqu’un d’assez mature, disposant d’une certaine sagesse, quelqu’un qui a l’âge d’en avoir vu et qui a suffisamment de bouteille pour se relever. Un adulte finalement. Un adulte souvent bien né, souvent bien intégré dans la vie sociale, un adulte qui dispose d’un niveau de ressources suffisant pour pouvoir mener des projets, pour se réinventer, pour témoigner. Pourtant, c’est l’histoire d’une -presque encore- enfant que je vous propose de découvrir ici. Une enfant qui a démarré sa vie dans des difficultés qui l’ont dépassée avant qu’elle n’ait eu le temps d’apprendre autre chose du monde. Une enfant pour qui devenir adulte a constitué en soi un acte d’une profonde résilience. Jade a encore les mots fuyants parfois et le propos épars. Mais la force de Jade se situe dans son parcours. C’est pour rendre justice à ce parcours que ce récit est un mélange de texte et d’enregistrements. Bonne lecture, et bonne écoute
Alors que Jade à 9 ans et qu’elle est à l’école, les assistantes sociales viennent la chercher en lui disant qu’elles l’emmènent en colonie. En réalité, c’est dans un foyer qu’elle arrive.
« On m’a dit tu vas y rester trois semaines et trois semaines se sont transformées en neuf ans”
Dans ce lieu supposé être un refuge, Jade est victime de violence et de maltraitance.
Elle raconte une scène qui l’a particulièrement marquée. Cela se passe alors qu’elle n’a que douze ans. Suite à un énième problème au foyer, elle décide de fuguer avec sa jumelle et deux copines. C’est presque un jeu entre ados. Elles savent bien qu’elles n’iront pas bien loin, tout simplement car il n’y a rien dans les parages. Elle est retrouvée par la police et ramenée au foyer.
Alors qu’elle est dans sa chambre, la cheffe de service et un éducateur entrent et décident de la « punir »:
Le lendemain, elle essaie d’en parler mais la plupart des éducateurs ne la croient pas et sa mère préfère la savoir au foyer que chez elle.
Ce genre de violence devient de plus en plus fréquent et le mal-être de Jade grandit. Alors, elle profite de son autorisation d’aller chez sa mère un weekend par mois pour dérober des médicaments et en faire des réserves.
Un soir, alors qu’elle en a collecté une cinquantaine, Jade les prend tous.
Elle se retrouve à l’hôpital, à la fois triste et soulagée d’être encore en vie.
Quand elle revient au foyer, Jade se sent dépersonnalisée. Elle est cataloguée comme “la malade”, comme « un problème »
Jade pense qu’on ne voulait pas d’une personne comme elle, une personne qui devient un souci. Elle est alors exclue de son foyer et continue de sombrer :
“Pour moi le foyer était toute ma vie, me l’enlever c’est m’enlever mon école, mes amis, me couper de tout. C’est le moment où je suis tombée au plus bas.”
Jade finit par être placée dans une famille d’accueil. Malheureusement, son mal-être est trop grand et elle refait une tentative de suicide dont elle a peu de souvenirs.
“ Pour moi il n’y avait plus aucune raison de se relever, d’aller bien alors que je n’avais plus personne. Ma mère ne venait jamais, mes sœurs non plus, personne ne venait me voir. C’est le moment où je me suis mise le plus en danger. J’étais incontrôlable donc on me sédatait énormément. J’étais devenue un légume”.
Après une hospitalisation de quatre mois et demi dans un service psychopathologique qui ne prend habituellement que des patients dont la durée d’hospitalisation n’excède pas deux semaines, Jade est envoyée dans un « vrai » hôpital psychiatrique.
Elle qui pensait aller dans un “lieu pour les fous” y trouve finalement un “lieu ressource” dans lequel un beau lien se tisse avec les soignants
A l’hôpital Jade commence à aller de mieux en mieux. Les soignants deviennent de véritables piliers pour elle. Elle se lie particulièrement à une infirmière, Maelys.
L’état de Jade s’améliore et l’hospitalisation devient de moins en moins nécessaire. On finit par lui trouver un autre foyer. La séparation est difficile pour elle mais cette nouvelle expérience en foyer s’avère finalement positive et Jade commence à construire des projets d’avenir.
Jade aura passé trois ans de sa vie en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui elle le voit comme une étape qui l’a aidée à se construire.
Quand elle est définitivement sortie de l’hôpital, Jade s’est prise en main. Elle s’est trouvé un lycée dans lequel elle a obtenu son CAP vente. Elle est actuellement en Bac pro commerce en alternance et elle a un travail le soir qui lui permet de financer la location de son petit appartement dans lequel elle vit seule.
« Ca fait deux ans que je suis sortie de l’hôpital psy et il s’est passé énormément de choses en deux ans. Maintenant j’ai toutes les cartes en main, les soignants me les ont toutes mises, les éducateurs aussi donc maintenant je peux y arriver”.
« Je ne pensais pas tomber aussi bas et me relever aussi haut »
Plus tard Jade veut être éducatrice spécialisée ou bien, quand elle aura un peu plus de recul, éducatrice en pédopsychiatrie.
“Vu comme on m’a aidée dans ma vie, j’aimerais le rendre un jour”.
En effet, quand Jade parle de résilience, elle insiste beaucoup sur l’importance de l’accompagnement :
« Jade peut nous donner une leçon de vie à chacun. » Maëlys (Infirmière)
BONUS
J’ai rencontré certains soignants qui l’ont connue et on peut dire que Jade les a beaucoup marqués.
Maëlys, avec l’accord de Jade, s’est confiée sur cette rencontre et le lien qui en est né. Aujourd’hui Maëlys et Jade sont restées très proches et se voient régulièrement.
Musique : Charles Regnault
Illustration : Lou Delage